Qui n’en rêve pas ? Une source d’énergie bon marché, inépuisable, sans déchet ni émissions radioactives. Cette promesse, c’est celle d’un procédé unique de fusion nucléaire par confinement inertiel par laser développé par une start-up allemande, Marvel Fusion. Un procédé qui nécessite l’emploi de laser ultra-puissants que Thales est l’un des seuls industriels au monde à pouvoir fournir.
Sur le papier, l’idée de départ peut paraître simple : utiliser la puissance et les progrès des lasers ultra-intenses pour reproduire sur Terre l’énergie du Soleil.
Dans la réalité, les choses sont évidemment un peu plus compliquées mais une chose est sûre : même si elle en est encore à ses débuts et est loin du stade de maturité, la fusion nucléaire a le vent en poupe. De nombreuses expérimentations sont en cours à travers le monde, des sociétés privées éclosent et des résultats prometteurs sont enregistrés1. Même les investisseurs partagent cet engouement, à l’instar de ceux qui ont investi 60 millions d’euros dans une jeune pousse allemande, Marvel Fusion.
L’approche des chercheurs de Marvel Fusion, qui travaillent en collaboration avec Thales diffère sensiblement de celle de nombre de ses concurrents : « Dans la plupart des cas, pour réaliser la fusion, on utilise un confinement magnétique, explique Franck Leibreich, directeur du secteur Lasers scientifiques et industriels chez Thales.
On crée un champ magnétique puissant sur une longue durée afin de comprimer les noyaux. L’idée de Marvel Fusion est d’utiliser les lasers ultra-intenses de Thales plutôt comme un catalyseur, pour démarrer la réaction de fusion. »
Schématiquement, le laser vient directement agir avec la matière pour favoriser les réactions en chaîne. Les noyaux sont projetés à une telle vitesse qu’ils s’entrechoquent et fusionnent. Dans le même temps, ils accélèrent d’autres noyaux pour créer et alimenter la fusion au sein du combustible.
Un combustible rare
Ce procédé n’est rendu possible que par la technologie d’amplification laser développée par Gérard Mourou et Donna Strickland qui leur a valu le prix Nobel de physique en 2018, et qui permet d’obtenir des lasers ultrapuissants en quelques fractions de secondes.
« C’est ce qui explique notre collaboration avec Marvel Fusion qui a besoin de lasers ultra-puissants que nous sommes parmi les seuls industriels au monde à pouvoir lui fournir, souligne Franck Leibreich. Et nous allons collaborer avec le centre européen de recherche laser en physique nucléaire ELI-NP situé en Roumanie auquel nous avons fourni le système laser le plus puissant au monde pour l’adapter aux besoins des travaux de Marvel Fusion.2 »
« Ce qui nous paraît également intéressant dans leur approche, poursuit Franck Leibreich, c’est l’utilisation d’un combustible original et abondant : le Bore. Quand il fusionne avec un proton, la réaction de ces éléments n’émet pratiquement pas de neutrons mais simplement des particules Alpha qui ne sont pas radioactives. »
Il reste à la jeune pousse allemande du chemin à parcourir et bien des défis technologiques à surmonter avant de parvenir à une production industrielle, à commencer par la validation de son procédé. Les responsables de Marvel Fusion affirment avoir déjà conduit plus de 2 000 expériences de fusion dans des centres de recherche à travers le monde et envisagent de lancer un démonstrateur avant la fin de la décennie.
Aurait-on trouvé là la réponse à l’un des plus grands défis de notre siècle ? L’avenir le dira mais les travaux conduits par Marvel Fusion témoignent, si besoin en était encore, des extraordinaires possibilités des lasers ultra-intenses à impulsions courtes et à très forte puissance crête.
1 Ainsi, en août 2021, les scientifiques du Lawrence Livermore National Laboratory ont annoncé avoir réalisé une avancée historique vers la fusion nucléaire. Ils ont en effet réussi à générer un plasma dégageant plus de 1,3 mégajoule en un dixième de nanoseconde grâce à un laser surpuissant, le National Ignition Facility (NIF).