DÉFENSE HYPERSONIQUE : Chapitre 3 - DÉTECTION, IDENTIFICATION ET POURSUITE
Série sur la défense hypersonique.
(Accès aux autres chapitres en fin d'article)
Alerte rouge ! Raids aériens ! – Les forces ennemies ont lancé des missiles hypersoniques qui atteindront des cibles stratégiques en quelques minutes…
Les épisodes précédents de cette série ont expliqué comment les systèmes d’alerte avancée donnent l’alerte initiale et comment le réseau de commandement, contrôle et communication s’active pour déployer les capacités de défense à l’échelle du théâtre d’opérations.
Ce numéro explique le rôle crucial que jouent les systèmes de Détection, d’Identification et de Poursuite pour contrer la menace des missiles hypersoniques.
Le rôle des capteurs est d’assurer l’alerte avancée, le suivi continu de la trajectoire, la classification et l’identification (hostile ou non ? type de missile ?) de la menace, avec pour objectif principal de permettre les étapes suivantes pour contrer ces menaces hypersoniques : l’engagement des missiles menaçants, en activant les systèmes d’arme disponibles et en soutenant le système de contrôle de tir.
Les tâches associées à la Détection, à l’Identification et à la Poursuite peuvent être effectuées par un ou plusieurs capteurs, du même type ou de types différents, selon l’échelle de la zone à défendre et les capacités de la menace mais aussi les capacités des intercepteurs défensifs. Leur performance doit être impeccable, car les fenêtres disponibles pour une interception réussie sont généralement étroites.
• Il peut y avoir une opportunité d’interception en phase de ‘boost’, mais celle-ci peut être hors de portée des systèmes intercepteurs.
• Une tentative d’interception en phase exo-atmosphérique pourrait également être trop éloignée.
• Il devrait être possible d’intercepter la menace pendant sa phase planée : typiquement après la rentrée pour un planeur ou en phase finale pour certains missiles de croisière hypersoniques.
• Le missile hostile ralentit généralement avant d’entrer en phase terminale juste avant l’impact.
De plus, l’estimation du point d’interception implique de déterminer la trajectoire de la menace aussi précisément que possible. Une difficulté réside dans le fait que les missiles hypersoniques sont manœuvrables : si les missiles intercepteurs sont lancés trop tôt, l’engagement peut échouer.
De surcroît, le délai entre la détection initiale et l’identification doit être très court (il est question de secondes). Cette identification repose généralement sur l’analyse de dizaines de caractéristiques, notamment le point d’origine de la menace (point de lancement), les caractéristiques de signature (radar, optronique, etc.), la forme extérieure, la vitesse et la trajectoire de vol.
Au niveau du poste de commandement et contrôle (C2), toutes ces caractéristiques sont analysées et comparées à des modèles préétablis des différentes menaces, conçus pour déclencher une réponse pré-planifiée.
Les défis sont les suivants :
• Détecter le plus tôt possible pour avoir le temps nécessaire pour identifier et réagir.
• S’affranchir des limites de détection liées à l’horizon (comparé aux missiles balistiques ayant un profil de portée/vitesse similaire, les missiles hypersoniques volent généralement à des altitudes bien plus basses, apparaissant au-dessus de l’horizon beaucoup plus tard).
• Fournir le bon type de données (pouvant être utilisées pour la classification).
• Poursuivre l’objet avec précision, en maintenant le statut de classification-identification établi tandis que la menace parcours de grandes distances, éventuellement transfrontalières, nécessitant une identification collaborative de piste
• et connaître la trajectoire de la menace avec une extrême précision afin de permettre l’engagement au point exact d’interception.
Le processus de Détection, Poursuite, Classification et Identification* repose sur un réseau de différents types de capteurs pour :
*Identification définie selon les catégories suivantes : Ami, Ennemi ou Neutre
• Détecter l’objet le plus tôt possible (signatures radar et infrarouge) depuis le sol jusqu’à l’espace : radars SMART-L MM et GAX000 ; Stratobus ou ARTEMIS-IRST (recherche et suivi infrarouge); et des capteurs futurs encore en développement.
L’exigence est de pouvoir détecter les missiles hypersoniques dès qu’ils apparaissent au-dessus de l’horizon radar (typiquement à 600-1200 km, pour des cibles à des altitudes de croisière de 20-80 km).
• Assurer la poursuite des objets à travers le théâtre d’opération avec des radars dédiés (ou d’autres généralement affectés à d’autres missions).
Les radars utilisés à cet effet doivent combiner une couverture suffisante en portée/vitesse/élévation et avec une bonne fréquence de mise à jour, en vue de gérer le comportement agressif des cibles manœuvrantes.
Étant donné les distances géographiques impliquées, il sera nécessaire d’orchestrer de façon dynamique différents types de capteurs provenant de différentes nations.
• Classifier l’objet dans la bonne catégorie, et si possible, fournir une classification détaillée par type. Pour cela, les capteurs peuvent être les radars de surveillance ou encore les IRST.
• Identifier l’objet comme une menace ou non. Cette tâche du système combine l’évaluation de classification (fortement basée sur les données des capteurs) et le renseignement (bibliothèque des menaces) pour l’identification de schémas inconnus.
Le processus de Détection, Poursuite, Classification et Identification vise à fournir des informations pour :
• Le renseignement (Collecter et stocker des informations sur l’objet, sa signature et sa position).
• La défense passive (alerter la population, se préparer à l’impact)
• La contre-mesure (neutraliser le site de lancement, par exemple).
• La défense active (abattre la menace entrante) : désignation de la cible pour le radar de contrôle de tir (processus connu sous le nom de TEWA : Évaluation de la Menace et Allocation aux systèmes d’armes).
Mise en réseau dynamique de capteurs hétérogènes
Compte tenu de la grande variété de capteurs listés ci-dessus, une mise en réseau de capteurs offre des capacités de connaissance dynamique et évolutive de la situation du champ de bataille, améliorant ainsi la performance opérationnelle globale. Plusieurs capteurs opérant ensemble permettent un suivi continu des cibles sur l’ensemble du théâtre, malgré les limitations d’horizon.
Comme mentionné précédemment, ce type de coopération nécessite une gestion dynamique des tâches de capteurs, la fusion des données et la distribution en temps réel des services à travers les frontières internationales. Le réseau dynamique utilise plusieurs capteurs avec des couvertures qui se chevauchent, se complétant les uns les autres et augmentant l’interopérabilité.
En déployant des capteurs avec des couvertures qui se chevauchent, le réseau profite du partage de données entre capteurs pour compléter la situation aérienne, balistique et hypersonique. L’orchestrateur peut coordonner le suivi actif des menaces, assurant un suivi continu même si un radar perd la trace. L’optimiseur joue un rôle crucial en désignant les radars disponibles pour le suivi actif, verrouillant les menaces et accélérant potentiellement le suivi pour une meilleure précision.
En cas de brouillage des capteurs, l’optimiseur ajuste la couverture multi-fréquence des capteurs et utilise les capteurs non brouillés pour réduire l’effet du brouillage.
Des tâches de suivi dédiées peuvent être mises en oeuvre pour effectuer la classification et/ou l’évaluation des raids. La position et le type de brouilleur peuvent être déterminés par triangulation multi-fréquence et l’utilisation de capteurs ESM.
Globalement, cette approche tactique offre aux systèmes de défense un réseau de capteurs intégré optimisant l’utilisation de multiples capteurs, améliorant la connaissance de la situation et permettant une réponse efficace aux menaces dynamiques et évolutives du champ de bataille.