DÉFENSE HYPERSONIQUE : Chapitre 2 - COMMANDEMENT ET CONTRÔLE
Série sur la défense contre les menaces hypersoniques.
[Le réseau de communication à faible latence sera développé dans un chapitre spécifique.]
(Accès aux autres chapitres en fin d'article)
La défense contre les menaces hypersoniques impose non seulement un temps de réponse tactique drastiquement réduit par rapport aux défenses aériennes et antimissiles existantes, mais aussi une posture stratégique complexe pour défendre efficacement des actifs de haute valeur, fixes ou mobiles.
L’échelle géographique de ces menaces est vaste et peut facilement dépasser les frontières terrestres et maritimes. Pour les contrer à l’échelle d’un continent, une meilleure coordination entre les nations et les services sera nécessaire, bien au-delà des capacités actuelles.
Le simple fait que l’adversaire dispose de cette menace oblige au développement des moyens et outils appropriés pour la contrer, en particulier des moyens de Commandement et Contrôle (C2).
La capacité actuelle de défense contre les missiles balistiques (BMD), que Thales, via sa filiale Thales Raytheon Systems, a déployée au BMDOC de l’OTAN à Ramstein depuis la Capacité Opérationnelle Initiale en 2016, n’est pas conçue pour cette nouvelle menace.
Les missiles hypersoniques sont capables d’échapper aux systèmes de défence contre les missiles balistiques (BMD), volant sous l’horizon radar de la plupart des capteurs. Ainsi, en plus d’une nouvelle architecture, les réseaux de capteurs doivent être plus denses et mieux interconnectés.
Un autre concept opérationnel repose sur le lancement de missiles hypersoniques à partir de plateformes (sous-marins, navires ou avions) situées plus près des cibles, augmentant l’incertitude quant à l’identité de l’attaquant et réduisant le temps de réaction à seulement quelques minutes.
La stratégie « Commandement & contrôle » doit également minimiser les risques de rapprochement des plateformes de lancement des actifs à protéger. Du point de vue tactique, cela inclut la pression temporelle pour développer des prises de décisions en un laps de temps très court, réduisant la boucle capteur-effecteur. Cela implique également de réduire les interventions humaines dans ce processus de réponse en utilisant de nouvelles approches C2 (intelligence artificielle, noeuds C2 distribués), accélérant la prise de connaissance et la compréhension de la situation pour élaborer rapidement des prises de décisions efficaces.
Une architecture recommandée pour contrer les menaces hypersoniques inclut des radars, des capteurs infrarouges spatiaux et aériens, un C2 intégré dans la gestion de combat et des communications à tous les niveaux, du stratégique au tactique*, et enfin des défenses en couches avec des effecteurs dans les phases de vol planée et terminale.
*Le temps de réaction drastiquement réduit, de minutes à secondes, impose une transparence à tous les niveaux et l’immédiateté de la transmission des ordres ou décisions, qu’il s’agisse de réponses pré-planifiées (PPR)ou de Veto.
Framework Alerte & Détection, Commandement & Contrôle, Engagement & Interception
Au moins quatre composants du système C2 intégré de Défense Aérienne et Antimissile (IAMD) devront être adaptés ou améliorés :
- La surveillance, avec adaptation des poursuites multi-capteurs pour des cibles à grande vitesse et manœuvrables.
- L’engagement des missiles et le contrôle de tir, avec des fonctions d’engagement collaboratif.
- L’orchestration du système*, avec mise en réseau dynamique des capteurs et C2 multi-domaines.
- Le réseau de communication à faible latence et à haut débit.
*L’orchestrateur de système gère l’allocation des capacités et des autorités aux nœuds au sein d’une architecture C2 distribuée agile.
Les systèmes de défense antimissile continuent d’évoluer et peuvent relever efficacement les défis posés par les menaces hypersoniques en combinant des données de capteurs appropriées en temps réel et en ajoutant de nouveaux capteurs adaptés aux phénomènes de haute vitesse et de forte manœuvrabilité.
Les capacités de détection améliorées permettront d'augmenter les capacités suivantes :
- Surveillance de la situation : suivi de la menace depuis son lancement jusqu’à l’impact ou l’interception, caractérisation de sa trajectoire, discrimination et classification en utilisant la fusion avancée des données, mélangeant des données numériques (ex. : emplacements, cinématiques, types de cibles) avec des informations symboliques abstraites (ex. : connaissances de la menace, intentions et objectifs du commandant).
- Évaluation de la menace et estimation de l’intention adverse pour déterminer si une réaction défensive ou offensive est la plus appropriée, tenant compte de l’imprévisibilité des trajectoires des missiles hypersoniques et des actifs qu’ils visent.
- Développement des opportunités d’engagement et prévision de leurs conséquences pour les deux camps (forces bleues et rouges).
- Décision et suivi de son exécution tout en surveillant l’évolution de la situation globale (évaluation des performances d’engagement et surveillance de l’efficacité d’interception).
La coopération entre les nations et services exige une interopérabilité renforcée permettant un véritable combat collaboratif. Des études sont menées par l’OTAN, auxquelles Thales participe, aux côtés d'autres industries, instituts techniques et experts opérationnels, pour définir l'architecture C2 future. Cela permettra l’orchestration/optimisation en temps réel des clusters de capteurs et systèmes d’armes à une échelle beaucoup plus grande que ce qui est possible aujourd'hui. La collaboration dédiée entre capteurs, telle que la collaboration directe capteur-à-capteur (méta capteur), améliorant les performances intrinsèques des capteurs (ex. : robustesse propre du suivi d’un capteur) et les poursuites multi-capteurs qui fusionnent des mesures hétérogènes, peut être prise en charge par les réseaux C2 qui permettent l’échange de données au niveau des plots. L’étude Plot Level Data Exchange and Fusion (PLDEF) entre la France et les Pays-Bas, à laquelle Thales participe, a déjà montré lors de l’exercice OTAN ‘Formidable Shield 2021’ que l’échange de données entre les plateformes navales améliore la reconnaissance des situations maritimes, tant en vitesse de détection qu’en précision.y
Comme indiqué précédemment, il est crucial que tous les domaines, qu’ils soient spatiaux, aériens, terrestres ou navals, soient connectés dans une solution intégrée. Notre expérience dans ces quatre domaines nous permet de soutenir nos clients dans la définition d’une solution de défense aérienne et antimissile intégrée adaptée à la mission.
Dans le domaine de la défense aérienne basée au sol, et en coopération avec des partenaires industriels majeurs, Thales a déployé toute la chaîne C2 IAMD (‘NATO TMD Increment 1’ développée par Thales Raytheon Systems), de l’alerte avancée à la neutralisation. Cette chaîne possède déjà des capacités initiales anti-hypersoniques. Des études ont été lancées dans tous les segments de la chaîne C2 pour élargir ses capacités en intégrant de nouveaux composants de détection, de communication et d’interception.
En matière de défense aérienne au sol, des systèmes en service tels que le SAMP/T franco-italien offrent déjà des capacités de défense de haute performance pour protéger les sites/ actifs contre des menaces à très grande vitesse. La feuille de route du système SAMP/T NG mise en œuvre par la ‘joint-venture’ Eurosam augmentera progressivement la surface de la zone protégée et la gamme des menaces hypersoniques pouvant être contrées. Plus l’intégration du système dans un réseau intelligent est poussée, plus les performances de protection augmentent. La feuille de route SAMP/T NG inclut notamment le déploiement du réseau de gestion dynamique des capteurs et des effecteurs, dont le concept vient d’être sélectionné pour financement par la Commission Européenne dans le cadre du Fonds Européen de Défense.
Dans le domaine naval, Thales est un acteur clé dans les systèmes de gestion de combat naval avec son expérience en intégration de systèmes, le système de gestion de combat TACTICOS et l’intégration de missiles allant de la famille Aster européenne, aux missiles américains (ESSM et Standard Missile). Cette expertise est soutenue par une large gamme de radars de surveillance et de contrôle de tir pour les missions de défense aérienne et antimissile. TACTICOS évolue vers un système de gestion de combat (CMS) incluant des capacités au niveau des forces. Le dernier développement est le système de lutte de surface (Above Water Warfare System) développé pour les marines néerlandaise, belge et allemande pour leurs prochaines générations de frégates. De plus, les systèmes de gestion du spectre électromagnétique comme le Thales PARTNER-C optimiseront l’utilisation des capteurs et des communications des unités propres, ce qui est crucial pour une connectivité continue.
Ces développements terrestres et navals permettront de fournir des capacités de surveillance et d’engagement collaboratif incluant des groupes d’actions navales et terrestres comme le SAMP/T NG mentionné ci-dessus. La gestion du spectre électromagnétique pour une utilisation optimisée des capteurs, des armes et des communications des unités propres sera cruciale pour maintenir une connectivité continue.