DÉFENSE HYPERSONIQUE : Chapitre 4 - ENGAGEMENT DES CIBLES HYPERSONIQUES
Série sur la défense hypersonique.
(Accès aux autres chapitres en fin d'article)
Lorsque des forces ennemies menacent de lancer des missiles hypersoniques, capables d’atteindre des populations, des ports ou des aéroports en quelques minutes, le processus de protection qui doit être activé comprend plusieurs étapes : L’alerte avancée, la détection, l’identification et le suivi des menaces entrantes, le commandement et contrôle, … toutes ces étapes sont des éléments clés, que nous avons abordés dans les épisodes précédents de cette série d’articles.
Une autre étape est sans doute plus essentielle encore : Celle d’empêcher physiquement les missiles ennemis d'atteindre leurs cibles, quelles que soient leurs caractéristiques de vol hypersoniques.
C'est l’ENGAGEMENT réel de la menace : sa destruction en vol via son interception.
C’est le fer de lance d’une capacité de défense à cette échelle d’opérations.
Et ce n’est pas une tâche simple. Un des dilemmes à considérer, par exemple, est de savoir s'il faut intercepter la menace pendant la phase plané/croisière de son vol, ou bien pendant la phase terminale, lorsqu'elle est déjà en approche de sa cible.
Interception en phase de vol plané ou de croisière
Cette option offre la possibilité de défendre les populations et autres actifs/points d’intérêts répartis sur une zone plus vaste. Cette approche bénéficie du fait que les missiles hypersoniques sont moins capables de manœuvrer pendant cette phase de vol. À condition que le système de propulsion du missile intercepteur puisse maintenir une vitesse élevée et une agilité suffisante à haute altitude et sur une longue durée, l’interception peut être réalisée plus facilement, couvrant un domaine de vol plus large (empreinte).
De plus, l’engagement dans cette phase permet une approche de type « tir-évaluation-tir » : si la tentative initiale échoue, il y aura du temps pour un second tir utilisant des intercepteurs de phase terminale.
Cependant, la vitesse et l’altitude de tels engagements seront toujours élevées, rendant l’allocation des systèmes d’armes plus complexe. Il est également plus difficile de prédire la cible visée par le missile hypersonique lorsqu’il est encore en phase de croisière. Il est important de noter que les altitudes de vol impliquées nécessitent un intercepteur longue portée qui n’existe pas encore aujourd’hui (des programmes de développement sont en cours), ainsi que la capacité de contrôle de tir associée.
En outre, l’engagement en phase de vol plané ou de croisière soulèvera presque inévitablement des questions politiques au niveau multinational (par exemple, qui décide, qui intercepte, où intercepter, règles d’engagement et questions de débris/fragments).
Interception en phase terminale
Cette deuxième option convient uniquement pour la défense de points locaux L’empreinte défensive est plus restreinte. Typiquement, l’engagement en phase terminale est utilisé pour protéger des actifs militaires sensibles tels que des centres C2 ou des sites de capteurs fixes, afin de prévenir leur destruction. Cette méthode n’est pas adaptée pour défendre de grandes zones ou des populations sur des zones étendues.
Les avantages de l’engagement en phase terminale sont que la vitesse de la menace est réduite et son altitude de vol est plus basse, ce qui permet d’utiliser des versions améliorées d’intercepteurs existants.
Mais il existe aussi des inconvénients.
À des altitudes plus basses, la pression dynamique sera élevée (plus l’altitude est basse, plus l’air est dense). Cela signifie que pour défendre une zone relativement grande, le coût en propulsion de l’intercepteur sera élevé (en raison de l’accélération nécessaire en peu de temps).
De plus, la trajectoire du missile hypersonique entrant est moins prévisible à ce stade, car il peut maintenant exploiter ses capacités de manœuvre hypersonique. Cela crée de la confusion dans le plan d’engagement et peut conduire à l’épuisement des intercepteurs.
Il n’y a pas de seconde chance si l’interception échoue.
Enfin, l’interception en phase finale générera des débris susceptibles de causer des victimes ou des dommages dans la zone défendue
Comme discuté dans les chapitres précédents, une approche optimale implique l’utilisation de :
• Capteurs actifs et passifs diversifiés basés dans l’espace, dans les airs et au sol, dans une architecture de réseau de capteurs avec gestion dynamique des capteurs pour améliorer la détection précoce, l’identification et le suivi ;
• Un C2 intégré à travers les domaines et entre pays, renforcé par l’Intelligence Artificielle (IA) pour accélérer la boucle ‘OODA’ (observer, orienter, décider, agir).
Cette approche collaborative améliore la détection, l’évaluation, le suivi et l’engagement de la menace, augmentant ainsi la précision, la létalité, la portée et la coordination pour contrer les menaces hypersoniques.
Engagement collaboratif
La capacité d’engagement contre la menace hypersonique englobe la planification collaborative des forces, l’évaluation de la menace et la coordination initiale de l’engagement au sein de la structure organique d’une batterie (système d’arme).
Cela implique l'optimisation de l'affectation des systèmes d'armes en fonction d'une liste commune de menaces et l'exploitation des capteurs ainsi que de la qualité des services C2 via le réseau.
De plus, cette capacité implique l’optimisation des engagements collaboratifs via des « chaînes de destruction » (trouver, fixer, suivre, cibler, engager et évaluer), s’ouvrant progressivement à des niveaux avancés tels que :
• Engagement à distance (la cible engagée est suivie par un capteur externe)
ou
• Engagement en réseau (approche « tout capteur, meilleur tireur »).
La gestion des performances d’interception repose sur le réseau de capteurs, les caractéristiques de communication, le type de chaîne d’interception et le comportement attendu de la menace, garantissant une allocation et un engagement efficaces des armes face aux menaces hypersoniques.
Les évolutions incluraient le développement d’une approche de mise en réseau dynamique pour améliorer les performances des systèmes nationaux existants, tout en maintenant l’interopérabilité et en permettant l’activation à la demande de modes dynamiques interactifs. De plus, l’accent serait mis sur l’amélioration de l’interactivité, des performances et de la résilience des futurs systèmes de Défense Aérienne et Antimissile Intégrée (IAMD) et de Défense Sol Air (DSA). Cela peut être réalisé par l’optimisation des capteurs, du C2 et des méthodologies d’engagement, le réseau dynamique intelligent et l’implémentation de modes intelligents au niveau des systèmes d’armes et de contrôle de tir.
Par ailleurs, une norme pour la planification, la gestion et l’attribution dynamiques des tâches au sein des clusters d’armes IAMD et DSA serait établie et partagée.
Exigences fonctionnelles
Les principales capacités fonctionnelles incluent une architecture de système rentable, avec des fonctionnalités intelligentes, facilitant l’échange fluide de données et de commandes entre des ensembles d'armements nationaux hétérogènes.
Cela implique une interactivité dynamique entre des ensembles d'armes IAMD/GBAD DSA multicouches via des données en temps réel, de services et de ressources. Ainsi qu’une optimisation des performances avec une gestion adaptative des ressources et des modes tactiques améliorés par l’IA.
La gestion dynamique et l’attribution des tâches des capteurs et d’armes sont adaptées aux changements dans l’environnement C4I, incluant la réaffectation des parties du système en cas de dysfonctionnement d’une partie vitale.
Ces capacités garantissent une interaction optimisée, une résilience et une adaptabilité à travers les systèmes de défense intégrés.
Bénéfices attendus
Le système vise à améliorer les performances d’engagement en combinant efficacement les capteurs et effecteurs pour la neutralisation des cibles.
Cela ajoute de la valeur aux capacités nationales tout en garantissant la compatibilité du système sous le contrôle de la chaîne C4I.
Il offre la capacité d’intercepter des menaces très manœuvrantes et hypersoniques, en minimisant les retards dans la boucle d’engagement et en améliorant l’efficacité et la résilience des systèmes IAMD/DSA.
Ces objectifs comprennent une meilleure capacité face à des menaces multiples, aux missiles balistiques hypersoniques manœuvrants (TBM) et aux essaims complexes de drones, renforçant ainsi les capacités de défense globales.
Contributions de Thales
La contribution de Thales à l’engagement des missiles hypersoniques inclut l’intégration des missiles intercepteurs et de leurs systèmes de contrôle de tir dans des solutions intégrées de bout en bout, ainsi qu’une participation active aux études sur les systèmes d’armes européens ou américains.
Un exemple clé est la participation de Thales au programme de Système d'interception de défense hypersonique (HYDIS), qui, comme indiqué sur le site Web de l’OCCAR, est une « réponse collaborative européenne plus large à la nécessité urgente d'une nouvelle solution d’interception capable de protéger efficacement le territoire européen, la population, les actifs de haute valeur et les forces déployées dans les années à venir. »
HYDIS relève de l’initiative PESCO européenne TWISTER (Avertissement rapide et interception avec surveillance spatiale à l'échelle de la zone d'opérations), et est soutenu par une collaboration entre l’UE, l’industrie et les gouvernements, réunissant 19 partenaires et plus de 30 sous-traitants issus de 14 pays européens.