Deux nouveaux satellites pour mieux comprendre la planète
La semaine dernière a vu le lancement de deux satellites voués à jouer un rôle très important pour la compréhension des phénomènes environnementaux et climatiques. Que vont-ils apporter de nouveau ? Et quel rôle a joué Thales Alenia Space dans leur conception ?
Cela peut sembler contre-intuitif d’envoyer des satellites à des centaines de kilomètres d’altitude pour surveiller en détail ce qui se passe sur Terre. C’est pourtant l'ambition de MTG (Meteosat Troisième Génération) et SWOT (Surface Water Ocean Topography – Eaux de surface et topographie océanique), lancés à quelques jours d'intervalle. Thales Alenia Space a joué un grand rôle pour ces deux missions : partenaire industriel de premier plan pour SWOT, l’entreprise a assumé la maîtrise d’œuvre de MTG-I1.
Surveiller la planète suppose de faire des mesures précises dans deux environnements extrêmement dynamiques : les océans et l’atmosphère. Traditionnellement, les mesures, tant à la surface des océans qu’en profondeur, sont réalisées par des navires et par des bouées. L’inconvénient de ce système est qu’il ne permet qu’une couverture partielle et irrégulière de la surface océanique. Il ne garantit pas non plus la cohérence des mesures d’un navire à l’autre. De plus, le maillage ainsi assuré n’est pas assez dense pour donner un panorama très précis de l’environnement.
Précision et efficience accrues
SWOT va pouvoir mesurer la topographie océanique avec beaucoup plus de précision. Sur une bande de 120 km de long, il pourra fournir des points de mesure tous les 100 mètres, et non tous les 500 mètres comme c'est le cas actuellement. Ce maillage plus serré permettra de détecter des phénomènes océaniques à plus petite échelle. Nous connaissons aujourd’hui les grands courants océaniques comme le Gulf Stream ; avec SWOT nous identifierons des courants bien plus localisés, ce qui facilitera la navigation.
SWOT contribuera non seulement à réduire la consommation de carburant des navires, mais il jouera aussi un rôle vital dans le domaine de la sécurité en mer. Il pourra détecter des élévations du niveau de la mer de seulement quelques centimètres, et mesurer la hauteur moyenne des vagues dans une zone déterminée. Or, ce type de données est crucial pour les navires hauturiers et les plateformes offshore, qui, prévenus à l’avance des mauvaises conditions météo, pourront prendre les mesures qui s’imposent pour garantir la sécurité du bâtiment comme de l’équipage.
Détecter l’eau potable, un enjeu vital
Mission conjointe du CNES (l’agence spatiale française) et de la NASA, avec des contributions additionnelles des agences spatiales canadienne et britannique, SWOT ne limite pas ses prouesses à la topographie océanique. Grâce à son réseau de mesure beaucoup plus dense, il peut aussi mesurer le niveau des eaux intérieures, par exemple des lacs, ce qui était jusqu’ici impossible. Avec l’augmentation des températures et la baisse du niveau des eaux partout dans le monde, savoir où se trouve l’eau potable sera vital pour les populations de certaines régions.
Par ailleurs, SWOT est lui-même un satellite plus respectueux de l’environnement. Il sera capable d’effectuer une rentrée contrôlée dans l’atmosphère à la fin de sa durée de vie active : une première mondiale ! Il se conforme en cela à la nouvelle loi française relative aux opérations spatiales, entrée en vigueur en 2020 pour apporter une solution au problème croissant des débris spatiaux. Ainsi, à la fin de sa mission, SWOT se désintégrera en pénétrant dans l’atmosphère, et les morceaux restants retomberont sur Terre dans des zones où cela ne constitue pas un danger pour les personnes ou pour les biens.
Océan et atmosphère : des milieux dynamiques interconnectés
L’océan n’est pas le seul milieu pour lequel les satellites peuvent jouer un rôle utile. Les échanges de chaleur entre l’océan et l’atmosphère nécessitent des mesures d’autant plus précises et fréquentes que l’atmosphère constitue un environnement extrêmement dynamique.
Bien qu’il s’intéresse avant tout à la topographie océanique, SWOT a aussi un rôle à jouer dans ce domaine – en améliorant les prévisions sur l’océan, il contribue aussi à rendre les prévisions météorologiques plus précises. Mais en la matière, le principal contributeur sera un autre satellite : le MTG-11, dernier né des satellites météorologiques géostationnaires européens.
Thales Alenia Space a assumé la maîtrise d’œuvre de tous les satellites météorologiques géostationnaires européens construits pour le compte de l’Agence spatiale européenne (ESA) et d’EUMETSAT, depuis le tout premier Meteosat lancé en 1977. À l’époque, ces équipements observaient le mouvement des nuages et mesuraient l’humidité, ce qui apportait assez d’informations pour établir le bulletin météo à diffuser aux actualités du lendemain soir. Avec le temps, les technologies s’améliorant, l’instrumentation embarquée sur les générations de Meteosat successives s’est enrichie. Le cycle de rafraîchissement des images est passé de 30 minutes avec Meteosat à 15 minutes avec la deuxième génération, puis à seulement 10 minutes sur MTG, dont 2,5 minutes au-dessus de l’Europe. Un gain en précision qui servira à détecter précocement les tempêtes et les événements météorologiques extrêmes, améliorant la sécurité aérienne. Opérationnel en 2023, MTG-11 sera suivi de cinq autres satellites, dans les années à venir.
Sauver des vies
On pourrait croire qu’une meilleure prévision météo permet essentiellement de mieux savoir comment s’habiller le matin. Pourtant les satellites MTG en exploitation feront beaucoup plus que cela : des prévisions météo inexactes ou imprécises peuvent en effet avoir des conséquences désastreuses, en termes de vies humaines comme de dégâts matériels.
Augmenter la fréquence et le nombre des mesures revient à améliorer la précision, à la fois dans le temps et dans l’espace. Les tornades, les ouragans et autres événements météorologiques extrêmes sont des phénomènes très localisés. Or MTG aura une résolution spatiale pouvant descendre jusqu’à 500 m, ce qui réduira considérablement le temps de réaction.
L’ère des prévisions immédiates
Pour affronter ces événements climatiques extrêmes, les pouvoirs publics et les autorités locales ont besoin de savoir non pas ce qui va se passer dans les 12 ou 24 prochaines heures, mais dans les 30 prochaines minutes. Cette information leur permettra d’alerter la population plus vite et dans une zone géographique plus précise.
En outre, qui dit prévisions plus précises dit aussi réponses plus adaptées à la situation, donc plus efficaces. Ne pas évacuer certaines zones identifiées comme hors de danger limite l’impact économique de l’évacuation. De plus, les personnes à qui on demande de quitter les lieux auront davantage confiance dans l’information reçue, et des vies seront sauvées.
Une première mondiale : cartographier l’atmosphère en 3D
MTG, cette troisième génération de satellites développée en coopération avec OHB, comprendra au total six satellites : quatre imageurs et deux sondeurs atmosphériques. Ces deux sondeurs représenteront un vrai bond technologique, puisqu’ils cartographieront l’atmosphère en 3D, une première mondiale. Ils fourniront quantité de mesures atmosphériques – température, humidité, pression – d’où des prévisions plus rapides et un temps de réaction réduit face aux conditions météorologiques extrêmes.
Surveiller la santé de la planète
Tout comme les progrès des technologies médicales améliorent le suivi de la santé des patients, les technologies de pointe embarquées sur SWOT et MTG vont considérablement améliorer notre suivi de la santé de la planète. À la différence près qu’un satellite comme MTG fournira un bulletin en temps réel toutes les dix minutes, au lieu d’une fois par mois ou par an.
En fournissant aux décisionnaires partout dans le monde les données nécessaires pour préserver la planète et mieux protéger ceux qui y vivent, les technologies satellite contribuent à dessiner un avenir de confiance.