Ils font la pluie et le beau temps
Cet article a été écrit par Patrick Mauté et publié dans le magazine Innovations n°4.
Avec les télécommunications, la météo a été l’un des principaux bénéficiaires de la révolution satellitaire du début des années 1970. Devenus plus abordables et pouvant emporter des charges utiles toujours plus sophistiquées, les satellites en orbite géostationnaire et en orbite polaire basse surveillent désormais notre planète en permanence, apportant aux météorologues des informations d’un intérêt et d’une complexité grandissants.
Les satellites modernes fournissent aux scientifiques et aux chercheurs des données d’imagerie et de sondage atmosphérique dans le visible, l’infrarouge et les micro-ondes.
La surveillance des phénomènes météorologiques mondiaux et l’établissement de prévisions sont coordonnés à l’échelle internationale par le programme de Veille météorologique mondiale, organisme collaboratif au sein duquel des météorologues et des scientifiques partagent leurs données et leurs modèles afin d’améliorer les prévisions et de mieux anticiper les phénomènes météorologiques potentiellement dangereux.
Au niveau européen, le développement et l’utilisation des satellites météorologiques sont chapeautés par Eumetsat, qui conçoit chaque mission, exploite les satellites et communique les données traitées à tous ses États membres, en coopération avec l’Agence spatiale européenne (ESA), qui développe et lance les satellites.
Au QG d’Eumetsat à Darmstadt, en Allemagne, les terminaux reçoivent les données en provenance des satellites, puis des chercheurs les géolocalisent et assurent leur traitement. Parmi ces données figurent une série d’indicateurs géophysiques, comprenant notamment les vecteurs de vitesse du vent, l’altitude du sommet des nuages et la température de surface de la mer. Ces données sont ensuite transmises aux centres de météorologie, qui s’en servent pour établir leurs prévisions.
Le système européen repose sur des satellites géostationnaires (Météosat) – qui observent en permanence l’Europe et l’Afrique et servent essentiellement aux « prévisions immédiates » (prévisions à très court terme ciblant en particulier les phénomènes climatiques potentiellement dangereux d’évolution rapide) – et sur des satellites polaires (EPS) : plus proches de la Terre, ces derniers apportent des informations très précieuses aux modèles numériques utilisés dans les prévisions à long terme, mais leur fréquence de survol est beaucoup plus faible.
Faire la différence
Thales Alenia Space a assuré la maîtrise d’œuvre des trois générations de satellites Météosat produits depuis les années 1970, ainsi que celle du segment sol d’EPS et de l’interféromètre de sondage atmosphérique dans l’infrarouge IASI, instrument phare de la charge utile des satellites EPS.
Les performances de Météosat de deuxième génération (MSG), en orbite depuis le début des années 2000, illustrent en particulier l’expertise de Thales. Il s’agit en outre de performances étalon, que les autres membres de la Veille météorologique mondiale souhaitent atteindre d’ici 2020.
Météosat Troisième génération (MTG) est en cours de développement et fournira des données très innovantes issues de l’imagerie rapide, de l’imagerie multispectrale et, pour la première fois en orbite géostationnaire, du sondage atmosphérique. Ces informations apporteront des renseignements précieux sur les phénomènes potentiellement dangereux d’évolution rapide, comme les ouragans et les typhons.
Partie intégrante du système satellitaire en orbite terrestre basse, IASI (qui équipe tous les satellites en orbite terrestre basse d’Eumetsat depuis 2006) a permis de réaliser des progrès considérables en matière de prévision numérique du temps. Grâce à cet instrument, les chercheurs sont parvenus à améliorer nettement l’horizon temporel de leurs prévisions. IASI est un interféromètre de Michelson dans l’infrarouge très sophistiqué, offrant des informations à haute résolution spectrale d’une précision inégalée sur la structure verticale de la température et de l’humidité atmosphériques.
La météorologie spatiale joue aujourd’hui un rôle considérable dans le système économique mondial. Les informations qu’elle procure servent dans de nombreux domaines, allant de la sécurité des biens et des personnes à la planification agricole en passant par les transports aériens et terrestres, l’infrastructure et l’énergie.
Plusieurs études économiques très complètes ont montré que pour un euro investi dans les systèmes météorologiques spatiaux, le bénéfice économique tous secteurs confondus dépasse 10¤.
Clean SeaNet et Edisoft
Depuis plus de dix ans, Edisoft (coentreprise de Thales au Portugal) développe des produits et services dans le domaine de l’observation de la Terre par satellite, en particulier de l’observation des océans. Edisoft a été choisie comme prestataire de services par l’Agence européenne pour la sécurité maritime dans le cadre du programme CleanSeaNet. Ce programme analyse des images satellites pour les États membres de l’UE à des fins de surveillance et de détection des dégazages illégaux ou accidentels dans leurs eaux territoriales. Il s’appuie sur les données reçues par la station sol de Santa Maria, aux Açores, en provenance d’instruments embarqués comme Radarsat-2, et avant lui Envisat et Radarsat-1. Sentinelle 1, premier satellite du système Copernicus, sera bientôt mis en service à cet effet.
Le changement climatique et son impact
Nous devons l’une des principales percées de la climatologie aux satellites Jason, développés par le CNES, l’agence spatiale française, dans le cadre d’un programme de coopération avec la NASA. Ces satellites, qui embarquent une charge utile d’altimétrie océanique haute précision, ont fourni aux climatologues de très nombreuses informations. Ils ont notamment apporté la preuve que le niveau moyen de la mer s’est élevé au cours des vingt dernières années (de plus de 3 mm par an dans la dernière décennie, contre une augmentation annuelle moyenne d’environ 1,7 mm ces cent dernières années, d’après les estimations).
En outre, les satellites Jason ont permis de cartographier avec une précision exceptionnelle les principaux courants océaniques – notamment le Gulf Stream et El Niño –, qui ont une incidence majeure sur l’évolution du climat. Ces observations aident les scientifiques à mieux comprendre les interactions entre océans et climat, et à établir des modèles capables de prédire les évolutions futures.
Les résultats engrangés par Thales Alenia Space en matière d’altimétrie spatiale sont tels que l’entreprise est aujourd’hui le leader incontesté dans ce domaine ; toutes les grandes agences spatiales dans le monde utilisent ses instruments.
Récemment, Thales Alenia Space a également annoncé avoir été choisi par le CNES pour construire le satellite océanographique SWOT (Surface Water and Ocean Topography).
Le projet SWOT comprend un volet océanographique et un hydrologique. En océanographie, le satellite fournira des mesures permettant de restituer la hauteur de la surface des océans et des vagues avec une résolution améliorée par rapport à Jason. Ces données permettront d’analyser et de comprendre les effets de la circulation côtière sur la vie marine, les écosystèmes, la qualité de l’eau et les transferts d’énergie. Il en résultera une meilleure modélisation des interactions entre les océans et l’atmosphère.
La mission d’hydrologie évaluera quant à elle, au niveau des surfaces continentales, les évolutions du stockage d’eau des zones humides, lacs et réservoirs, ainsi que la débitmétrie des fleuves.
De son côté, l’ESA, en collaboration avec la Commission européenne, a décidé de s’attaquer à la surveillance permanente de l’environnement terrestre, en lançant une vaste initiative, le programme Copernicus. Les « Sentinelles » de Copernicus, qui assureront cette surveillance permanente, contribueront à mesurer l’évolution des paramètres climatiques sur le long terme et à mieux comprendre les phénomènes physiques associés.
Là encore, Thales Alenia Space joue un rôle crucial. Parmi ses principales réalisations, citons :
- Sentinelle 1 : le satellite phare de Copernicus à des fins de surveillance maritime ;
- Sentinelle 3 : destiné à l’océanographie opérationnelle, il embarque une suite d’instruments ultra-précis en altimétrie, surveillance de la couleur des océans et mesure de la température de surface de la mer ;
- Sentinelle 6 : il assurera la continuité des services dans le prolongement de Jason-3 ;
- GOCE : lancé dans le cadre du programme d’exploration de la Terre de l’ESA, ce satellite a permis de mesurer les variations locales du champ de gravité terrestre, et ainsi la circulation océanique, avec un degré de précision sans précédent. Sa précision était telle qu’il aurait détecté l’incidence, sur le champ de gravité, de la construction d’un gratte-ciel géant.
Parallèlement, le CNES travaille déjà à un satellite avancé capable de mesurer avec précision la teneur en CO2 de l’atmosphère, première étape de la mise en œuvre d’un système mondial de contrôle et de compensation des émissions de CO2. Thales joue un rôle actif dans ce projet depuis ses débuts, par le biais de programmes de R&D ambitieux, et par le parrainage de chercheurs impliqués dans ces travaux. Il s’agit là du prochain défi à relever en climatologie et surveillance de l’environnement depuis l’espace.
Points clés
Depuis les années 1970, les satellites jount un rôle toujours plus important en météorologie.
La météorologie spatiale sert dans de nombreux domaines, de la sécurité des biens et des personnes à l'agriculture en passant par les transports aériens et terrestres, les infrastrucures et l'énergie.
Les agences spatiales, les pouvoirs publics et l'industrie utilisent les données en provenance des satellites pour lutter contre le réchauffement.
1970 Thales Alenia Space a assuré la maîtrise d'oeuvre des trois géénrations de satellites Météosat produits depuis les années 1970.