Space Q&A avec Walter Cugno : dans les préparatifs de l’atterrissage de l’Europe sur Mars !
[[asset:image:232811 {"mode":"original","align":"right","field_admin_bool_link_target":[0],"field_admin_bool_image_filter":[0]}]]Plus qu’une semaine avant l’atterrissage tant attendu de l’Europe sur la planète Mars ! Les 2 composantes de la mission 2016, l’orbiteur [Trace Gas Orbiter – TGO] et le module de descente et d’atterrissage [EDM Schiaparelli] doivent se séparer le 16 octobre. Si tout fonctionne comme prévu, l’atterrisseur débutera sa descente à destination de la Surface de Mars 3 jours plus tard. Pendant ce temps, le TGO s’insérera dans son orbite définitive, à 400 kilomètres d’altitude, afin d’y étudier l’atmosphère martienne. Le premier « pas » opérationnel de l’Europe sur le sol martien fera certainement date dans l’histoire de l’industrie spatiale. Cet événement marquera, pour les équipes de Thales Alenia Space, la récompense de dizaines d’années d’efforts au service de la haute technologie et des projets d’explorations les plus prestigieux. Le 19 octobre sera le point d’orgue d’une mission sans précédent pour l’Europe, une date que tous les « Space addicts » guettent avec impatience !
Walter C. Bonjour
Space Q&A – Depuis le lancement de la première mission d’ExoMars en mars 2016, presque sept mois se sont écoulés. Comment se porte le programme ExoMars à ce jour ?
Walter C – Rires. Et bien, aussi fou que cela puisse paraître [on parle tout de même d’un trajet de près de 500 millions de kilomètres], ce voyage interplanétaire à destination de Mars se passe sans encombre. Tout est nominal à ce jour !
Space Q&A – En quoi le projet ExoMars est-il en rupture en terme d’innovations ?
Walter C - Nous sommes quasiment certain qu’il existe du méthane sur Mars. Le Mars Express Orbiter avait détecté du gaz dans l’atmosphère martienne en 2004. Quelques années plus tard, en 2014, le rover Curiosity de la NASA avait également détecté des pics de niveaux de gaz émanant de la surface de la Planète Rouge. L’atterrisseur Beagle 2, financé par des fonds privés britanniques, avait bien touché la surface de Mars en 2003 ; malheureusement, il a vite rencontré des difficultés l’empêchant de rentrer en contact avec la Terre. Si la mission réussit, ce dont je suis confiant, le module Schiaparelli, construit en Italie, sera le 1er atterrisseur européen à se poser sur le sol martien et à renvoyer des données vers la Terre via l’Orbiteur.
Schiaparelli permettra de faire la démonstration des technologies nécessaires pour réussir la descente puis l’atterrissage contrôlé sur Mars lors des missions à venir. Cette étape déterminante ouvrira la voie au deuxième volet : ExoMars 2020. Au cours de cette « seconde escale », une sonde interplanétaire voguera à son tour à destination de Mars, éjectant à son approche un nouveau module de descente lequel déposera le précieux Rover de l’ESA à sa surface. Dans le cadre de ce programme sans commune mesure, Thales Alenia Space a dirigé un consortium international de taille significative. De nombreuses technologies, à la pointe de l’innovation, ont été développées et intégrées afin de répondre aux spécifications demandées. Tous les espoirs de l’Europe, en matière d’exploration, sont concentrés sur cette mission oh combien attendue ! L’enjeu est donc de taille, celui du succès de la mission également… aussi bien pour les agences, pour les contributeurs industriels du programme que pour la recherche scientifique ! On cherche réellement à démontrer l’existence de vies antérieures sur la Planète Mars… Une question pour le moins existentielle dont nous sommes tous impatients d’en découvrir la réponse.
Space Q&A – Quelle est votre vision pour la suite du programme ExoMars et pour le volet Exploration Spatiale si cher à Thales Alenia Space ?
Walter C. Les états membres de l’Agence Spatiale Européenne vont se réunir à la Ministérielle de l’ESA au mois de décembre. Les états voteront en vue de compléter le financement relatif au lancement de la deuxième mission. Je suis très confiant quant à l’obtention de cette dernière tranche de financement. J’avoue que je le serais davantage après l’atterrissage de Schiaparelli sur Mars dans une semaine (rires). Cette première mission ExoMars a été conçue, vous l’aurez compris, pour, d’une part, analyser les gaz de l’atmosphère martienne afin d’en définir la source et l‘origine ; d’autre part pour valider les technologies nécessaires à la descente et à l’atterrissage à travers le module de démonstration Schiaparelli.
Dans le cadre de la seconde mission, le fameux rover de l’ESA sera équipé d’un perforateur. Il sera en mesure d’effectuer des forages sous la surface de Mars, à 2 mètres de profondeur, ce qu’aucune mission d’exploration n’a été en mesure de réaliser jusqu’ici. Ce serait une grande première mondiale ! Ces échantillons seront prélevés, analysés via un mini-laboratoire intégré au sein même de l’astromobile. Les données seront transmises directement vers la Terre par l’entremise de l’orbiteur. Il y aura de quoi alimenter la recherche scientifique pour de nombreuses années !
Space Q&A : est-ce qu’un village sur la Lune pourrait-être la prochaine étape de nouveaux projets d’exploration dans le système solaire ?
Walter C. Un avant-poste sur la Lune pourrait en effet faire partie des nouvelles demandes lors de la conférence ministérielle de l’ESA, au mois de décembre. Dans ce cas de figure, nous serions tout à fait prêt à nous lancer dans ce types de projets. Nous avons, à cet égard, une expérience mondialement reconnue en matière d’exploration spatiale et d’infrastructures orbitales réalisées pour la Station Spatiale Internationale. Un projet comme celui du village sur la Lune pourrait ouvrir la voie à de nouveaux programmes d’exploration de l’espace lointain. On pourrait très bien envisager l’exploration d’un astéroïde géocroiseur (évoluant à proximité de la Terre) à titre d’exemple.
Space Q&A : ExoMars est l’un des projets d’exploration les plus ambitieux qu’il ait été donné de réaliser. Quel effet cela fait-il de diriger des équipes industrielles aussi importantes et de faire partie d’une aventure aussi insolite ?
Walter C - Le premier mot qui me vient à l’esprit est celui de fierté. Quelle chance, quelle fierté que de travailler avec des équipes aussi investies, aussi passionnés, aussi généreuses, aussi professionnelles ! Chacun des collaborateurs est un maillon indispensable au succès des 2 missions. Il faut aussi avoir une bonne dose d’humilité lorsque l’on mène des projets d’exploration de ce type. Mars est à environ 500 millions de kilomètres de la Terre. Le voyage est parsemé d’embûches. La moindre erreur et c’est tout le dispositif qui peut être mis en péril. J’essaie de ne jamais l’oublier pour continuer à garder le cap…toujours avec Mars en ligne de mire (rires).
Walter C – J’ai la chance d’avoir une famille qui me soutient énormément. J’avoue qu’ils sont extrêmement bienveillants et compréhensifs. Mes enfants m’ont gentiment donné le surnom de « Space Dad ». Rires. Bon, c’est sûr que parfois, ils n’oublient pas de me taquiner en me rappelant que je ne suis jamais là et que je ne passe pas suffisamment de temps avec eux ; mais dans l’ensemble ils sont vraiment très compréhensifs et me sont d’un grand soutien. Je pense qu’eux même sont fiers de la mission qui m’ait confiée. Ce n’est pas tous les jours que l’on a un proche, un conjoint, ou un membre de sa famille qui a la chance de travailler sur un programme aussi exceptionnel qu’ExoMars ! J’ai conscience d’être privilégié en ce sens. Je souhaite plus sérieusement que cette chance ne me quitte jamais jusqu’à la fin de ce programme qui me tient, comme beaucoup d’entre vous j’en suis sûr, particulièrement à cœur !