Rencontre avec Sabrina Andiappane, jeune ingénieure passionnée par la robotique et l’exploration spatiale
En quoi consiste votre activité au sein de Thales Alenia Space ?
Je suis ingénieure R&D Avionics et responsable de 2 projets H2020, menés sous la coordination de Thales Alenia Space pour le compte de la Commission Européenne. Il s’agit en réalité d’études R&D visant à concevoir des technologies disruptives qui deviendront réalités à court, moyen et long terme. Je trouve fort intéressant de pouvoir se pencher sur des sujets, relevant aujourd’hui de la science-fiction, qui verront le jour dans le futur. Auparavant, j’étais architecte de sous-systèmes de télécommunications sur des avant-projets/futures missions parmi lesquels Mars Sample Return ou Lunar Sample Return. Ces deux projets d’étude consistent à élaborer des technologies permettant de récupérer des échantillons en provenance de planètes extra-terrestres, telles que la Lune ou Mars. J’étais également architecte sur le projet de future station spatiale en orbite lunaire : Lunar Orbital Platform-Gateway.
Aujourd’hui, je coordonne 2 projets H2020 pour le compte de la Commission Européenne. Le premier, I3DS, qui vient d’arriver à son terme à la mi-février, vise à développer une suite de capteurs et de senseurs destinés à des missions d’exploration spatiale. On peut très bien imaginer que cette suite soit embarquée à bord de véhicules tels que le rover de la mission Exomars 2020 ou une « astromobile » destinée à l’exploration lunaire. I3DS est surtout destiné à des missions dites de rendez-vous avec un engin ou objet dans l’espace.
Le second projet porte le nom parfait pour parler de rendez-vous dans l’espace, EROSS : European Robotic Orbital Support Services. Avec ce projet H2020, il est question de développer les briques de base en vue de préparer les technologies relatives à l’ « In-Orbit Servicing ». Comme leur nom l’indique, ces véhicules spatiaux sont destinés aux Services en Orbite. Véritables couteaux suisses, ils seront à même de mener un large éventail d’opérations en orbite parmi lesquelles : la désorbitation de débris spatiaux, la manipulation robotique, l’extension de la vie opérationnelle d’un satellite, le ravitaillement en orbite, l’inspection… Avec ces nouveaux engins, on assistera à un réel changement de paradigme d’un espace, où la stationnarité est de circonstance, vers un espace au contraire dynamique. Les Space Servicers, dont Thales Alenia Space est l’un des fers de lance les plus avancés, apporteront une nouvelle approche relative à l’accès à l’espace… Et si à l’avenir, l’on parvenait à construire des bases lunaires, les Space Servicers seraient d’un grand intérêt pour des missions de transport et d’assemblage des différents éléments.
Aussi, avec le projet H2020 EROSS financé par la Commission Européenne, Thales Alenia Space est responsable d’un consortium constitué de 10 entreprises européennes. Parmi les technologies nécessaires pour réaliser des opérations de maintenance en orbite, nous avons besoin de développer des capteurs et senseurs, des bras robotiques et pinces de capture permettant d’intercepter notre cible en orbite, les interfaces d’amarrage et de refuelling… Nous devons par ailleurs développer le système de Guidage, Navigation et Contrôle (GNC) permettant à nos engins spatiaux de se rapprocher du satellite ciblé en toute maîtrise.
Qu’est-ce qui vous rend le plus fière dans votre quotidien professionnel ?
Lorsque j’étais enfant, pour moi, l’espace, c’était un peu de la science-fiction. C’était partir à la découverte d’un imaginaire absolument futuriste. Aujourd’hui, pouvoir donner vie à des projets relatifs à la robotique ou l’exploration spatiale et déplacer le curseur depuis le statut de « rêve d’exploration » vers celui d’un programme bien réel et tangible, c’est pour moi une immense fierté. Je suis par ailleurs très heureuse de travailler pour une société qui a réalisé 50% du volume pressurisé de la Station Spatiale Internationale dont la célèbre Cupola ; cela représente tout de même 40% de l’ISS. Je suis également ravie de faire partie d’une entreprise qui a participé aux plus fantastiques missions d’exploration européenne et internationale à travers le système solaire. Nos technologies sont allées sur Mars, Vénus, Saturne, sur des comètes et des astéroïdes, et sont en route actuellement pour Mercure avec la mission BepiColombo. Demain, nous espérons bien retrouver des technologies Thales Alenia Space sur une orbite cislunaire voire même sur la Lune.
Pouvez-vous nous citer un élément marquant de votre carrière ?
Il y a quelques semaines, le projet I3DS dont je vous parlais précédemment a pris fin. J’ai eu beaucoup de chance à mon arrivée chez Thales Alenia Space car j’ai été soutenue par mon Manager qui m’a confié la responsabilité du consortium I3DS. Je n’avais que 25 ans lorsque l’on m’a donné cette chance. 2 ans et demi plus tard, j’ai été à la fois comblée et émue de voir le projet I3DS aboutir, à la satisfaction de notre client et des parties prenantes du projet.
Quelles sont les qualités requises dans votre métier ?
La rigueur, être un(e) bon(ne) communicant(e) et l’empathie :
- La rigueur, parce que l’on coordonne des projets avec un consortium de 10 entreprises européennes, il faut être extrêmement précis et précautionneux dans le cadre du Management de Projet
- La communication, écrite et verbale, permet de surmonter de nombreuses difficultés et permet d’asseoir un esprit d’équipe très solide entre les différents membres du consortium
- Il faut pouvoir comprendre les problématiques et contraintes intrinsèques à chacun de ses partenaires pour pouvoir travailler conjointement en maximisant l’efficacité du consortium ; en ce sens, l’empathie est une composante déterminante.
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