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Ce n’est pas seulement la technologie qui change rapidement.  Le modèle de l’« engagement effectif » a lui aussi radicalement évolué. Pour rester aussi proches que possible des forces armées que nous servons, Thales doit « penser en boucle ».

Les dernières décennies ont vu des avancées considérables en termes de capacités militaires. La collecte du renseignement, qui pouvait hier prendre plusieurs semaines, ne prend désormais que quelques secondes. La précision des missiles stratégiques peut être atteinte avec certaines munitions individuelles. Les technologies qui nécessitaient la mobilisation d’un convoi entier sont maintenant hébergées sur une tablette, dans le paquetage du combattant.

Nous sommes déjà habitués au fait que la technologie permet d’élargir le champ des options à la disposition des chefs militaires et des soldats dans les moments décisifs. Mais nous allons maintenant assister à l’explosion de technologies encore récentes, comme l’intelligence artificielle et l’analyse du Big Data, accompagnée d’une intégration numérique massive. Autant d’éléments susceptibles de changer la nature même de la prise de décision. 

Si nous voulons, chez Thales, utiliser ces technologies en tirant parti de tous leurs avantages, nous devons être très clairs quant à leur place au sein du processus de prise de décision. Et nous devons savoir comment la technologie s’inscrit au sein de la boucle OODA – Observation-Orientation-Décision-Action. 

Le modèle OODA

La boucle OODA est un modèle de « prise de décision compétitive » formulée par le pilote de chasse américain John Boyd. D’abord élaborée pour aider les pilotes de l’US Air Force à prendre le dessus sur leurs adversaires en combat aérien, la boucle OODA a fini par instiller la pensée militaire dans son ensemble. Elle a, de facto, pris une telle extension que Boyd a pu être qualifié d’« homme le plus influent dont on a jamais entendu parler. »

De la ligne droite à la boucle

Pendant des siècles, les chefs de guerre ont pratiqué ce que le général chinois Sun Tzu appelait, au IVe siècle avant J.C., le « combat manœuvrier » ou la « guerre de manœuvre » : la victoire était acquise par la rapidité, la fluidité des opérations et la surprise.

Mais dans la guerre moderne, alors même que ces éléments demeuraient des facteurs déterminants du succès, aucune explication ne permettait de comprendre clairement comment et pourquoi ils étaient si importants. Au Vietnam, Boyd a pu observer à maintes reprises des chasseurs américains, mieux armés, perdre en combat aérien face à des MiG, certes moins sophistiqués, mais plus rapides. De même, pour ce qui concernait les combats terrestres, la première puissance militaire mondiale a été vaincue par des Nord-Vietnamiens nettement moins bien armés, mais beaucoup plus dynamiques.

Boyd a dès lors compris que la rapidité d’action et l’adaptation avaient été, à tous égards, absents de la pensée militaire des alliés, qu’il s’agisse de la conception des équipements  ou de la stratégie. La boucle OODA, telle que Boyd a pu la décrire, est un moyen de restaurer une réactivité agile et dynamique au cœur de la prise de décision militaire de premier niveau. 

Quatre phases essentielles

Boyd a compris la chose suivante : au combat ou, d’une manière générale, dans toute activité compétitive se déroulant dans des circonstances incertaines, nous passons toujours par quatre phases : 

Nous observons d’abord les conditions. Nous ne nous contentons pas de « voir », mais nous absorbons, de manière active, la situation dans son ensemble – c’est la « collecte d’informations », au sens le plus large du terme. 

Nous nous orientons ensuite en fonction de ce que nous avons appris – nous synthétisons l’information, et nous nous demandons : « Compte tenu de ce que je sais, quelles sont mes options ? » C’est la phase la plus importante, car tout est en jeu : notre formation, notre expérience, jusqu’à nos attentes culturelles. Et parce que la phase d’orientation combine un ensemble d’éléments, toutes les autres phases en sont affectées : notre manière d’observer, de décider et d’agir.

A partir des options à notre portée, nous décidons de ce que nous devrions faire, avant d’agir. En agissant, nous provoquons un changement de notre environnement, ce qui nous conduit à devoir observer de nouveaux éléments autour de nous… et nous repartons pour un nouveau tour de la boucle. 

Dans sa forme la plus simple, la boucle OODA ressemble à ce schéma :
 

Nous faisons le tour de cette boucle dans toutes les situations, qu’il s’agisse d’une stratégie élaborée à long terme en réponse à des changements politiques, ou de soldats qui, individuellement, répondent au feu ennemi. En toutes circonstances, ceux qui peuvent accomplir le tour de cette boucle plus rapidement que leurs opposants en viennent inéluctablement à prendre l’initiative. 
 
De surcroît, ceux qui parviennent à « pénétrer » la boucle de l’adversaire ou de l’opposant sont en mesure de déstabiliser sa prise de décision et de le plonger dans un état de confusion, de réaction et, in fine, de panique. 

Que ce soit sur le champ de bataille ou dans la vie de tous les jours, les choses ne sont toutefois pas toujours aussi simples. A chacune des étapes, nous créons des boucles dynamiques de retour d’information qui interagissent les unes avec les autres. C’est la raison pour laquelle le diagramme complet de la boucle OODA ressemble plutôt à ceci :
 

Pour nous, l’importance de cette boucle est claire : comprendre à quel niveau l’application de la technologie va entraîner les effets les plus marqués en termes d’ « accélération du tempo », induisant ainsi l’avantage le plus significatif pour les chefs militaires et les soldats, qui sauront ainsi qu’ils peuvent compter sur nos capacités connectées pour observer, orienter, décider et agir, en fonction de leurs objectifs et intentions. La mise en œuvre de nos technologies clés offre ainsi aux militaires un avantage décisif. 

Un processus créatif et évolutif

Pour Boyd, il était également clair que la boucle OODA n’était pas qu’un simple processus mécanique, et que ceux qui « bouclaient » efficacement partageaient certains traits de caractère en termes de créativité, de moral et de mental, qui les rendaient capables d’appréhender le chaos et de travailler dans le cadre d’un processus où la confiance mutuelle, l’intuition et la détermination constituent des facteurs déterminants : 

S’approprier le chaos. Il est assez courant de voir dans la boucle OODA un simple « modèle de prise de décision » qui nous aide à contrôler des forces extérieures. Ce qui n’est pas le cas. Boyd avait bien compris que le combat, et de fait, la vie entière, est toujours un processus incertain et ambigu. Ceux qui réussissent sont ceux qui embrassent les incertitudes aussi bien que les opportunités, et qui prennent plaisir aux situations mouvantes, en perpétuelle évolution. 

Confiance, intuitivité, détermination. Boyd a également observé que les groupes qui se faisaient mutuellement confiance, qui étaient capables de fonctionner au « feeling » autant qu’à la délibération rationnelle, et qui pouvaient garder le « tableau général » à l’esprit sans besoin d’un micro-management (ce que les forces britanniques, entre autres, nomment le concept de mission command – le commandement par objectifs.) étaient les mieux placés pour mettre en œuvre la boucle OODA avec une efficacité maximale. Ces groupes n’hésitaient pas à expérimenter différentes options pendant la phase d’orientation, et étaient fréquemment en mesure de faire l’impasse sur la phase de décision explicite. 

Ce sont les décisions qui comptent

Observer la prise de décision via le prisme de la boucle OODA permet également de mettre en lumière l’une des opportunités majeures – et l’un des principaux défis – associés aux technologies émergentes telles que l’intelligence artificielle, l’analyse du Big Data  et l’intégration numérique : s’assurer un avantage découlant du cycle OODA en étant « à l’aise avec l’incertitude et le chaos », ce qui est psychologiquement extrêmement difficile pour l’être humain. Mais pas pour les ordinateurs. Peut-on garder la tête froide quand chacun autour de soi perd ses moyens ? Avec l’intelligence artificielle, la réponse est assurément positive. 

Nous comprenons bien également que ces technologies ne pourront être efficaces dans le cadre de la boucle OODA que si le décideur humain fait implicitement confiance à leur fiabilité, à la véracité des données, et à la qualité des options décisionnelles qu’elles peuvent offrir. Mais cela ne peut se faire qu’en assurant les plus hauts niveaux d’intégrité et de cybersécurité – ce que Thales sait implicitement, grâce notamment à de nombreuses années d’expérience. 

Appliquer le mode de pensée OODA nous aide, chez Thales, à rester conscients des avantages liés à la mise en œuvre des technologies émergentes, en évaluant constamment leur aptitude à « accélérer le tempo » dans toutes les phases de la boucle, et en contribuant à assurer les avantages recherchés – pour le soldat, pour le chef militaire et pour le décideur de demain. Au-delà de la confiance dans les technologies, nous croyons à l’augmentation et à l’amplification des actions menées par les soldats. Les troupes déployées sur le champ de bataille ont besoin d’outils technologiques clés. C’est précisément ce que nous offrons, jour après jour, aux forces armées modernes.

Pour paraphraser Boyd : ce sont les décisions qui assurent la victoire, bien plus que les armes ou les doctrines.