« Collaborer pour mieux innover »
Directeur technique, Bernhard Quendt explique pourquoi l’innovation est plus que jamais au cœur de la stratégie de Thales, et dévoile comment le Groupe est déjà à la pointe des technologies de rupture qui vont changer la donne dans les prochaines années.
En 2023, Thales a été sélectionné pour la dixième fois parmi les 100 entreprises et institutions les plus innovantes au monde par Clarivate Global Innovator. Il s’agit d’un record pour un groupe français. Quelle est votre réaction ?
Nous éprouvons tous une immense fierté de voir une nouvelle fois reconnue cette capacité d’innovation qui ne s’est jamais démentie au fil des ans. Dans un monde où les crises se sont succédé, nous gardons pour ambition de bâtir un avenir de confiance, où les technologies seraient mises au service du bien commun et de notre sécurité à tous. Pour y parvenir, nous avons la conviction que l’innovation et la communauté technique doivent se trouver au cœur de l’entreprise et de sa stratégie. Je ne connais aucun autre groupe dont les chercheurs et les ingénieurs bénéficient d’une telle liberté et d’un périmètre technique aussi vaste.
Que diriez-vous à un ingénieur qui souhaiterait aujourd’hui intégrer Thales ?
Rejoindre Thales, c’est avoir l’opportunité d’imaginer des solutions innovantes pour l’avenir, mais aussi pouvoir évoluer au sein d’un environnement offrant les meilleures conditions pour son développement professionnel tout en assurant un bon équilibre personnel. Nous comptons aujourd’hui 33 500 ingénieurs (soit près d’un tiers des effectifs globaux), dont environ 3 000 sont dédiés à la recherche. Chaque année, un milliard d’euros sont investis dans la R&D, auxquels il faut ajouter deux à trois milliards financés par nos clients. Je rappellerais aussi que rejoindre Thales, c’est avoir la possibilité de voir se concrétiser ses innovations sur le terrain et se frotter à un éventail extrêmement large de projets qui vont de la constitution de microprocesseurs de cartes bancaires jusqu’aux opérations de maintenance du port de Sydney… Tout en ayant la conviction que toutes ces solutions, quelle que soit leur échelle, contribuent à changer notre quotidien.
nous mettons tout en œuvre pour former nos ingénieurs et mathématiciens, avec pour objectif de devenir l’un des leaders dans les applications qu’offre le calcul quantique, aussi bien dans les domaines civil que militaire
Combien de brevets déposez-vous chaque année ?
Nous déposons entre 350 et 400 brevets par an, avec 45 % de nos innovations qui sont directement liées au numérique. Mais c’est tout autant la quantité que la qualité de nos brevets qu’il faut souligner. Le magazine Nature nous classe ainsi comme la première organisation européenne pour l’excellence de notre recherche dans le domaine de la physique.
Quelle serait, selon vous, la principale condition pour créer et innover ?
La clé d’une politique réussie de R&T est de ne jamais penser qu’on pourrait tout faire tout seul. La stratégie de Thales est fondée sur la collaboration avec un écosystème large et diversifié : nous travaillons avec des start-ups, des PME, des grandes entreprises, avec nos clients, mais aussi dans le cadre de partenariats étroits avec des centres de recherche et des instituts publics et privés, que ce soit avec le CNRS, l’Institut Polytechnique de Paris, le CEA, ou la Nanyang Technological University de Singapour, pour ne citer que ceux-là. On décrit parfois le monde académique comme hermétique à l’univers industriel, mais nous avons fait mille fois la preuve du contraire ! J’en veux pour exemple l’extraordinaire réussite de l’équipe mixte de physique CNRS/Thales dirigée par Julie Grollier, qui a reçu en 2021 le prestigieux prix Irène Joliot-Curie pour ses avancées dans le domaine des nano-neurones. En multipliant les partenariats, en constituant un écosystème collaboratif où chacun peut échanger ses idées, on avance ensemble, et plus vite. Une start-up peut ainsi résoudre ses problèmes industriels en s’appuyant sur Thales et son savoir-faire, de la même manière que nos équipes sont associées à leurs avancées technologiques, et peuvent les améliorer, y ajouter de nouvelles fonctions… La collaboration ouverte est la clé pour bâtir des solutions gagnant-gagnant.
Sur quelles technologies allez-vous axer le développement dans les prochaines années ?
Nous allons continuer d’asseoir notre expertise dans les domaines que nous maîtrisons pleinement et depuis longtemps, notamment dans les secteurs porteurs des capteurs radars et des caméras, des lasers pétawatts et du numérique. Mais pour préparer au mieux l’avenir, il était aussi nécessaire d’identifier les technologies de rupture sur lesquelles nous pourrions approfondir nos compétences, nous challenger… autrement dit, nous « muscler » ! C’est ainsi que nous avons sélectionné notre « six-pack », les six champs technologiques qui feront demain la différence.
Comment avez-vous défini ces six chantiers ?
Ils sont tous issus de discussions avec les directeurs techniques, auprès de qui nous avons identifié les technologies les plus importantes pour l’avenir. Nous en avons sélectionné une centaine, puis nous avons progressivement élagué, pour au final en choisir six, que nous avons classées du plus court au plus long terme. Avec tout d’abord le passage du cloud à l’edge computing, une étape clé dans l’ouverture progressive des systèmes critiques, traditionnellement éloignés d’internet. Il s’agit en un mot de pouvoir transférer sur les systèmes embarqués de nouvelles fonctions logicielles à distance et en toute sécurité. Deuxième axe de développement : l’open source, qui a bouleversé la manière de penser l’innovation et la R&D et qui est devenu l’un des principaux vecteurs de la transformation numérique. Depuis des années, nous avons la conviction qu’il faut recourir aussi souvent que possible aux logiciels open source mais aux matériels open source, notamment pour concevoir des processeurs compatibles avec les systèmes critiques embarqués. C’est un enjeu de souveraineté capital pour l’avenir à court terme, car il permet de s’affranchir de la dépendance des concepteurs et fabricants de puces. La troisième technologie sur laquelle nous souhaitons mettre l’accent est l’intelligence artificielle de confiance, qui se diffuse de plus en plus dans nos produits. Thales préside d’ailleurs le programme national Confiance.ai, rassemblant industriels et académiques, afin de garantir la fiabilité des algorithmes d’IA.
Pourquoi parler d’intelligence artificielle « de confiance » ?
Avec le traitement des données massives, l’internet des objets et la cybersécurité, l’IA est l’un des piliers technologiques sur lesquels nous fondons notre transformation numérique. Mais nous avons conscience qu’elle pose parfois un certain nombre d’interrogations. Parce que Thales évolue dans des environnements critiques, il est nécessaire de répondre aux exigences de validité, d’explicabilité, de sécurité et de responsabilité, en développant une IA robuste et transparente, au sein d’un système sécurisé qui offre à ses utilisateurs des modèles interprétables et un accès aux données exploitées pour parvenir aux conclusions. Soit une IA intelligible, permettant de justifier ses résultats, mais aussi une IA éthique et responsable, qui respecte l’ensemble des protocoles et des législations comme les exigences de sobriété pour la préservation de la planète. Voilà les grands principes de notre approche, que nous avons nommée « Thales TrUE AI ». En somme, une intelligence artificielle qui placerait l’humain au centre. Je tiens à souligner que nous ne concevons pas l’IA comme une technologie isolée : à travers l’initiative « IA ramp up to business », nos chercheurs dans ce domaine échangent régulièrement avec l’ensemble des activités, afin d’infuser les progrès réalisés en IA dans de multiples technologies, pour servir les problématiques du Groupe et de ses clients. C’est ainsi qu’on a pu aboutir à de formidables réussites, comme l’IA embarquée dans les satellites OPS-SAT, opérée par Thales Alenia Space, et qui ouvre un champ d’applications exceptionnel dans le domaine de la Défense, mais aussi en matière de surveillance de l’environnement, par exemple pour détecter en temps réel des départs de feu ou des cas de pollution marine.
Chacune de ces technologies disruptives permet de rendre la chaîne de décision critique plus fiable et plus efficace, en garantissant la précision, la sécurité et la sûreté des données.
On évoque souvent les bénéfices que laissent entrevoir la seconde révolution quantique. Comment se positionne Thales dans ce domaine ?
Le quantique est bien sûr au cœur de notre stratégie de rupture, et constitue le 4e pilier de notre « six-pack ». Car il faut aller vite. Les ordinateurs quantiques seront bientôt capables de résoudre des problèmes inaccessibles jusque-là aux machines classiques. Pour s’adapter à ce changement de paradigme, nous mettons tout en œuvre pour former nos ingénieurs et mathématiciens, avec pour objectif de devenir l’un des leaders dans les applications qu’offre le calcul quantique, aussi bien dans les domaines civil que militaire. À moyen terme, nous comptons industrialiser des capteurs quantiques capables de mesurer des champs magnétiques avec une sensibilité et une précision mille fois plus importante que celle des capteurs classiques, tout en divisant leur taille par cent… Le quantique 2.0 nous emmène aussi à repenser entièrement les fondamentaux de la cybersécurité et Thales se positionne déjà comme un acteur incontournable de la cryptographie post-quantique afin de résister aux attaques des nouveaux algorithmes quantiques de décryptage. Nous sommes prêts à affronter cette révolution. Tout comme nous sommes pleinement engagés dans le développement des technologies 5G (et la préparation de la 6G), qui va faciliter l’émergence d’un gigantesque écosystème IoT, permettant ainsi de répondre aux besoins de communication de milliards d’objets connectés grâce à un débit pouvant atteindre jusqu’à 10 Gbit/s. Enfin, dernier pilier de notre « six-pack », les neurosciences, à travers les interfaces cerveau-machine (ICM), laissent entrevoir des perspectives extraordinaires, à condition qu’elles soient réalisées dans un cadre maîtrisé et éthique.
Qu’est-ce qui, au final, unit toutes ces technologies de rupture ?
De par ses domaines d’activités qui couvrent le spatial, l’aéronautique, la sécurité, la défense ou les réseaux ferroviaires, Thales opère au cœur des systèmes critiques, là où l’enjeu des décisions prises et des actions menées peut être décisif, avec bien souvent des vies en jeu. Et lorsqu’on observe ces technologies disruptives, on s’aperçoit que chacune permet de rendre la chaîne de décision critique plus fiable et plus efficace, en garantissant la précision, la sécurité et la sûreté des données. Les capteurs quantiques optimisent leur détection et leur collecte. La cybersécurité, la communication quantique et le cloud assurent leur transcription et leur stockage. L’IA et les neurosciences permettent d’optimiser le traitement des données afin de conduire à la meilleure décision possible dans un délai toujours plus court. À travers notre écosystème de recherche et notre socle technologique solide, et grâce aux talents combinés de nos ingénieurs et chercheurs présents dans soixante-huit pays, nous disposons de toutes les capacités pour repousser les frontières du possible et construire un monde plus connecté et plus sûr. Les années qui viennent promettent d’être passionnantes.